Mission n°13 : Malédiction

Kaléidoscope tenait contre elle le Cefaa, qu'elle avait nommé Raga. Yubiwa avait longuement critiqué ce choix, ne le trouvant pas assez poétique.

Kaléidoscope : Je ne souhaite pas qu'elle porte un prénom poétique, mais un qui lui donnera une force ! Raga à Dalarna signifie "rage".
Yubiwa : C'est affreusement laid. Les humains ont de si mauvais goûts...
Kaléidoscope : Que veut dire "Yubiwa" ?
Yubiwa : Alliance. Dans le sens de l'anneau que l'on porte. Je suis le symbole de l'amour pur de mes parents après tout...

Kaléidoscope leva les yeux au ciel alors que le trio arrivait à Méhallet el-Kobra.

Kaléidoscope : J'espère que nous n'arrivons pas trop tard...

Elle sortait le pendentif renfermant une portion de magie de Cléo toute les cinq minutes.
Elle le leva devant ses yeux une énième fois. Il avait bien perdu de son éclat...

Kaléidoscope : Kafei, je crois que Cléo ne va pas bien ! Et si cette fille l'avait eue ! Et si elle l'avait tuée, ou...

Le pendentif émit des rayons d'une force impressionnante et disparut.

Kaléidoscope : Mais qu-

Sa vue se brouilla soudain. Kafei et Yubiwa s'évanouirent. Ou peut-être était-ce elle qui avait perdu connaissance. Le fait est qu'elle se retrouva dans le noir. Elle sentit une vague de magie étrange la submerger. Et elle se réveilla en sursaut.

Kitty : M-ma reine ? Est-ce que vous allez bien ?

Kaléidoscope la fixa avec de grands yeux. Elle échangea un regard intrigué avec son propre reflets, dans l'immense miroir orné d'un cadre d'or, faisant face à son lit. Son lit ?

Kaléidoscope : Où sont Kafei et Yubiwa ?
Kitty : Qui ça, ma reine ?
Kaléidoscope : Je-
Kitty : Vous êtes bien pâle ce matin... Venez, nous devons nous préparer. Le conseil va rendre son verdict. Votre vote compte pour deux voix. Il peut tout changer. Nous avons eu une perte à déplorer ce matin. Le boucher du quartier est a été retrouvé mort dans une flaque de sang. Les médecins estiment le décès entre 1 et 4 heures du matin...
Kaléidoscope : Médecins... Il y a eu un mort ?
Kitty : Malheureusement... Mais ne vous en faites pas. Les Loups paieront. Nous les démasquerons et nous les feront brûler pour révéler leur vraie nature ! C'est pour cela que nous devons y aller. Levez-vous, Mademoiselle Kaleydo ! Nous devons nous entretenir avec les représentants des quartiers et communautés pour recueillir les votes, puis avec les médecins qui nous expliquerons l'état du corps et les circonstances de la découverte du cadavre. Le verdict final sera rendu à l'Arène de Feu, dans l'amphithéâtre.

En entendant "médecin", Kaléidoscope reprit confiance. S'il y avait des faites étranges et une histoire médicale, alors, elle pouvait peut-être retrouver Kafei et Yubiwa en ville. Peut-être avait-elle été téléportée ? Comme Roxanne quand elle avait disparu sous les yeux pour retrouver Cléo ici. ...Mais où était Cléo...?

Kaléidoscope : Où se trouve Cléo Fae ?

Elle s'était levée et laissait trois femmes faire son lit alors que Kitty la conduisait à une salle de bain gigantesque.

Kitty : Je ne connais pas de Mademoiselle Fae.

Elle s'en doutait. Et ça ne la rassurait pas du tout...

Après l'affrontement de courte durée avec Roxanne Engels, Cléo était restée allongée dans son lit, pensive. Cette fille la rendait plus puissante. Ou plutôt, quelque chose en elle. Et elle devait savoir quoi. C'était comme si pendant un court instant, elle avait été "entière". Sans doute cette fillette possédait-elle son âme. Après tout, Kaléidoscope et Kafei l'avaient aussi rencontrée. Elle avait hâte de les revoir pour leur demander plus amples informations au sujet de cette intruse. Ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'elle les retrouverait très bientôt, mais dans ses circonstances très différentes.

Cléo se réveilla, comme chaque jour, et s'habilla rapidement. Coiffée d'une foulard blanc en dentelle, elle tourna le petit écriteau de bois qui afficha "Ouvert" du côté de la ruelle. Elle évita le regard de deux hommes presque ivres qui passait dans la rue pavée et retourna à son comptoir pour vérifier ses commandes.
Cléo Fae était laitière de profession. Elle vendait le lait des producteurs qui tenaient une ferme, un peu plus haut dans la vallée à l'extérieur de la capitale. Elle en retirait un bon pourcentage. Elle était orpheline, mais étrangement, elle ne se souvenait pas de ses parents. D'ailleurs, elle avait peu de souvenirs de son passé. Elle savait qu'elle avait ce métier, qu'elle en vivait, et elle l’exerçait naturellement. Cléo était une fille méfiante et peu souriante, mais elle était connue pour sa gentillesse. La petite Gourmandise, qui venait s'approvisionner en lait dans sa boutique, pour l'apporter à ses parents - de riches pâtissiers très connus à travers Pacifis - était une très bonne amie et elle dépeignait un portrait de Cléo que peu de citoyens de Méhallet el-Kobra connaissait : une jeune fille douce, sensible, peu sûre d'elle aussi...

Un enfant frappa à sa porte.

Cléo : Bonjour. En quoi puis-je vous être utile ?
??? : Madame ! Madame ! La Reine va descendre en ville ! Monsieur Tonart, le boucher, a été tué cette nuit ! Les habitants sont appelés à voter...

Cléo le remercia, alors qu'il courrait à l’échoppe suivante pour prévenir l'aubergiste. La jeune fille frissonna. Elle ne se souvenait pas de la nuit passée... Elle enfila une cape déchirée et ferma son commerce à clef avant de descendre lentement vers l'amphithéâtre, perdue dans ses pensées.

Cléo : ...je déteste les Loups...

Cette race hybride d'humains infestés avait frappé la ville récemment, faisant tomber les habitants dans une peur constante. Cela ne profitait pas aux affaire de la jeune laitière...

Kafei était réveillé depuis un moment. En fait, il l'était depuis peu avant le lever du soleil. Être l'assistant d'un médecin n'est pas de tout repos, surtout lorsqu'il faut travailler dans l'urgence. Il avait néanmoins deux jours dans la semaine de libre pour récupérer. Ce qui est étrange est qu'il ne se rappelle de pas grand chose, pas même de la dernière fois qu'il avait eu ces jours de repos...

Kafei : Vous avez de la chance, votre brûlure n'est pas trop grave, et plongée dans de l'eau froide, elle n'a pratiquement pas besoin d'être traitée à part avec ce baume.

Il tend un flacon au boulanger du quartier qui le prit de sa main non bandée. Fort heureusement, même s'il s'agit d'une urgence, celle-ci ne fut pas trop grave. Son chef a déjà dû opérer en pleine nuit peu après son lever, et selon ses dires il espère n'avoir jamais à vivre cela...

Après que son client partit, un garçon courait dans la rue en criant que Tonart le boucher fut tué et qu'un vote allait avoir lieu. Celesta s'en va prévenir le médecin, et ceux-ci s'en allèrent à l'amphithéâtre à leur tour...

L'amphitéâtre était bondé, plein à craqué. Il y régnait une ambiance tendue, malsaine, étouffante. Les gradins étaient remplis. Les gens se bousculaient, criaient, rouspétaient à l'adresse des autres. On se faufilait pour se frayer un chemin dans cette foule en effervescence.
Cléo se glissa timidement dans la foule et du jouer des coudes - mais légèrement, elle ne tenait pas à s'attirer des ennuis - pour arriver à une place libre en bordure d'un des grands escaliers. Elle s'assit et passa ses mains sur son tablier pour le lisser. Elle arrangea sa coiffure : si la reine descendait par ces marches et qu'elle n'était pas présentable, elle se sentirait ridicule.

La Reine entra par une autre grande porte, face à elle. Elle descendit lentement, avec tout son cortège. Cléo la trouvait très belle, avec ses yeux roses, ses longs cheveux violets aux reflets rosés, coiffés de plumes et d'or. Elle avait une démarche noble, fière. Cléo baissa les yeux vers ses chaussures usées.
Kaléidoscope rejoint le centre de l'arène, où un homme mort était allongé sur un autel de bois, prêt à être enflammé. C'était la tradition : pour éviter qu'une possible contagion se fasse, les corps des victimes des Loups étaient brûlés.

Homme : Nous attendons le médecin qui doit nous assurer que la mort est bien due à une blessure mortelle des loups, ma reine.
Kaléidoscope : B-bien, bafouilla-t-elle.

Elle leva la tête, dans l'espoir de repérer Kafei dans la foule. En vain.

Homme : Les deux autres médecins sont unanimes, mais le médecin général de la ville doit cependant confirmer lui-même le verdict.
Kaléidoscope : Je comprends, marmonna la jeune fille, perdue dans ses pensées.

Kafei se tourna vers le sien, intrigué.

Kafei : B-blessure d'un Loup, vous êtes sûr... ?

Malheureusement oui, Kafei les craignait autant que n'importe qui ici. Lui même ne saurait pas se défendre seul contre un Loup. Il n'en reste pas moins que toute la ville, lui compris, voudrait en être débarrassé une bonne fois pour toute.

Médecin : Maintenant que le médecin général confirme...

En attendant, Kafei regarda autour de lui les personnes dans l'amphithéâtre. Toutes semblaient agitées, loin des ambiances qu'il y a habituellement. La seule personne à vraiment resplendir en ce moment fut la reine...

Un homme à l'air sévère entra par une des arcades de l'arène, sans passé par les portes principales situées en hauteur. Il s'avança, examina un court instant les griffures et morsures qui avaient eu raison du pauvre homme, et hocha la tête avec un air grave.

Médecin Général : Ce sont bien les Loups...

Kaléidoscope sentit son coeur bondir dans sa poitrine. Elle venait de remarquer Kafei, alors même que l'ambiance devenait plus pesante.

??? : Sileeeeeeeence, lança un homme avec une voix criarde, installé dans une des quatre loges supérieurs, surplombant les gradins. La Reine, va parler !

Le silence se fit. Cléo releva la tête et tendit le cou.

Gourmandise : Bonjour ! J'ai demandé à mère de venir près de toi !

Cléo la salua et la laisser s'asseoir sur les marches, à sa gauche.

Kaléidoscope : J-je...

Kaléidoscope croisa le regard de Kitty qui insistait. Comme si elle voulait lui dire "tu sais quoi faire ! Comme d'habitude". Mais elle n'avait pas cette fameuse habitude, à l'inverse de Kafei...

Kaléidoscope : B-bonjour. Habitants de Su-Méhallet-el-Kobra et ses... environs ? Je... Moi, votre Reine, vous souhaite la bienvenue à l'Amphithéâtre. Comme vous pouvez le voir, il... les Loups ont fait une nouvelle victime ! Nous devons mettre fin à ces crimes !

La foule approuva en applaudissant, en tapant des pieds, en hurlant.
Cléo s'était contentée d'hocher la tête alors que Gourmandise s'était mise à sauter sur place.

Gourmandise : Tuons-les !

??? : Faites entrer l'accusé ! ordonna l'homme à la voix insupportable.

Un jeune homme brun fut introduit dans l'arène comme un animal : enchaîné, en haillons, il essayait tant bien que mal de s'expliquer, mais personne ne l'écoutait. Choquée, Kaléidoscope porta une main à sa bouche.

Kaléidoscope : Ciel...

Cléo se releva un peu plus, le dos bien droit.

??? : Cet homme a été retrouvé près du fleuve alors qu'il tentait de fuir !
Jeune homme : Je voulais seulement voyager !
??? : Comme par hasard le jour où un meurtre a été perpétré en nos murs ? Et pourquoi à une heure si précoce. Avant même l'aube ma Reine !
Jeune Homme : J'ai beaucoup de marche ! Je ne voulais pas marcher sous le soleil, j-
??? : Silence ! Ma reine le peuple va voter ! En cas d'égalité des votes, votre voix tranchera et validera le sort qui attend ce morveux. Habitants de Méhallet-el-Kobre, veuillez prendre une feuille que les gardes vous distribuent et écrivez simplement M, pour Mort, ou V, pour Vie. Que ceux qui s'abstiennent n'écrient rien d'autre : pas d'accusation envers une autre personne, pas d'humour mal placé. Il y en a toujours... Nous clôturons les votes dans un quart d'heure.

Le sablier géant se mit à grincer, et dans un épouvantable vacarme, il se retourna.

Cléo pris une feuille qu'on lui tendait et hésita. Gourmandise, elle, avait déjà écrit son "M" et pliait sa petite feuille. La jeune fille se demandait où elle était, la nuit dernière... Elle tremblait en écrivant un "V". Les preuves lui semblaient minces. Elle rendit son papier à un des gardes royaux qui sillonnait leur allée et son regard se posa sur le jeune apprenti médecin qu'elle voyait de temps en temps quand elle faisait ses livraisons. Le médecin était un de ses clients, mais ces temps-ci, c'était lui qui venait chercher les bouteilles de lait. Parfois même, quand aucun des deux ne passaient à la boutique, faute de temps, elle les leur portait.
Et elle se demanda, parmi tous ses clients... y avait-il des Loups ?

Kafei hésitait en recevant le papier. A regarder l'homme enchaîné il aurait pu être n'importe qui. Un étranger passant comme il le prétendait, un garde royal, un marin, un fleuriste...

Kafei : *Ou un Loup...*

Laisser un potentiel danger tuer encore quelqu'un, peut être même quelqu'un de cher, un ami, de la famille... ? Ou alors condamner une personne innocente, faire une autre victime en plus de la prochaine que le Loup fera la nuit suivante ? Quel choix était le plus risqué ? Le plus logique ? ... le plus humain ?

Kafei : *Quelles sont les chances qu'il soit bien notre coupable ?*

Pesant le pour et le contre, sans trancher aussi aveuglément que la Justice, il écrivit "V" sur son papier, contrairement à son mentor.
En levant la tête, il croisa le regard de la laitière. Elle aussi semblait hésiter comme lui...

Cléo lui sourit.
Puis le verdict tomba :

Homme : Il y a égalité des voix, Votre Altesse. Veuillez nous donner votre propre avis.

Kaléidoscope hésita, puis d'une voix claire, elle annonça un "Mort".

L'homme fut subitement et violemment emmené de force vers un second bûcher où il fut ligoté. Quatre hommes y mirent le feu.
Alors que le prétendu coupable hurlait de douleur, Cléo se leva et décida de sortir. Elle cacha ses oreilles avec ses mains, bouleversée, secouée par l'horreur de la scène.
Kaléidoscope évitait aussi de regarder ce qu'elle considérait être comme un meurtre commis par sa faute. Jusqu'à ce qu'elle entende un "Oooooh" scandé par la foule à l'unisson. Elle releva les yeux vers l'homme enflammé, dont la silhouette venait de changer pour celle de ce qui ressemblait à un loup de très grande taille, au moins deux fois celle d'un loup commun. Soulagée, elle laissa un sourire se dessiner sur son visage. Elle les avait sauvé d'un des leurs.
Malgré le verdict, Cléo ne pouvait se résigner à regarder un être vivant mourir sous ses yeux. On l'empêcha de partir. Aussi resta-t-elle debout, près des gardes, pour écouter le tant attendu discours final de la reine.

Kaléidoscope se préparait. Et elle avait décidé d'essayer de parler à Kafei juste après.

Kaléidoscope : Grâce à notre bon discernement, un Loup est mort aujourd'hui. Quiconque aura des informations sur un autre Loup devra venir m'en parler en personne, au palais. Je vous promets de faire en sorte qu'un jour, ils soient tous descendus. Aucun ne survivra.

La foule hurla joyeusement et applaudis à tout rompre.

Kaléidoscope : Je vous souhaite une bonne journée.

Elle s'inclina. Et elle allait rejoindre Kafei quand Kitty la prit pas le bras.

Kitty : Ma reine, on rentre immédiatement voyons ! Vous êtes une cible privilégiée pour les Loups. En aucun cas vous ne devez risquer votre vie. On y va.

Ses gardes l'encerclèrent et elle fut forcée de suivre le cortège royal, sans pouvoir prendre contact avec le jeune apprenti.
Cléo, elle, n'avait pas réussit à sortir : elle était bousculée dans tous les sens et maudissait sa taille moyenne et son physique léger.

Cléo : Att- attention... j-...je... laissez-moi passer...

Kafei avait regardé la scène avec un pincement au cœur le Loup au bûcher, en partie parce qu'il se sentait trompé par lui. Et aussi trompé par ses propres réflexions. Il n'empêche que la mise à mort par le feu fut atroce, et qu'il ne put se résoudre à applaudir à la fin comme le reste.

Kafei : Au moins on aura un peu de paix...

Jusqu'à la prochaine fois ? Mais ça il n'osait pas le dire. La reine a rendu son jugement et il fut juste. Même si cela devait dire qu'une menace a été éliminée, Kafei ne pouvait se réjouir.
La dernière partie fut tout aussi désagréable lorsqu'il s'agit de sortir de l'amphithéâtre. Lui aussi se trouvait bousculé de partout, et finit même par s'accrocher sans faire exprès aux épaules de... Cléo.

Kafei : O-oh, pardon...

Cléo se retourna et lui adressa un sourire timide.

Cléo : Pas facile, hein ?

Sans précisions, elle ne parlait pas seulement de la ruée vers la sortie, mais de la scène de l'amphithéâtre également. La foule les sépara alors qu'elle ouvrait la bouche pour lui parler. Elle passa la porte et se retrouva plaquée contre le mur latéral gauche. Gênée, elle se mit sur la pointe des pieds, pour guetter l'arrivée de Kafei. Elle ne le remarqua pas toute de suite, mais il avait lui aussi déjà été expulsé du corridor. Elle contourna la foule et revint vers lui.

Cléo : ...b-bonjour. Vous êtes apprenti médecin, c'est cela ? On se croise parfois, quand vous venez à la boutique... Je... est-ce que vous voulez que je vous livre aujourd'hui ? Ou est-ce que vous passerez par vous même ?

Gourmandise lui sauta au bras.

Gourmandise : Cléo, Cléo, t'as vu comme il a brûlé ! Bientôt, ils seront tous en tas de cendres et on pourra vivre libres et heureux, hein Cléo ? Je retourne voir Maman et Papa ! Je passe demain prendre le lait ! Tchao !

Elle s'en alla en courant, sous le regard amusé de la laitière.

Cléo : Elle est si enthousiaste... Elle aussi avait vu juste. Moi, je suis sans doute trop naïve. La reine a pris le bon choix. On peut être heureux qu'elle veille sur nous. Pourvu que ça dure...

Kafei : La reine elle-même a semblé hésiter, et n'a pas voulu voir le "clou du spectacle"... J'imagine que le risque de condamner à mort un innocent citoyen est un fardeau d'autant plus lourd pour une reine que pour une foule.

Il soupira en regardant la foule s'éparpiller dans la ville. Le quotidien va être difficile à reprendre après la mort du boucher et la peur qu'un autre Loup se cache parmi les habitants.

Kafei : Mais au moins cette fois, elle avait l'intuition ! Bon, je passerai chez vous prendre le lait si cela vous va ?

Cléo sourit, d'un de ces sourires qui ne peuvent laisser personne indifférent.

Cléo : J'attendrai. Une demi douzaine de bouteilles, comme d'habitude je suppose !

Un homme pressé la bouscula, la précipitant dans les bras de l'apprenti médecin. Après avoir croisé rapidement le regard de Kafei, elle reprit ses distances, rangea une mèche de cheveux rebelle derrière son oreilles et s'excusa.

Cléo : C'est fou, à la sortie, c'est toujours comme ça, les gens sont tous énervés...

Un messager du palais se percha alors sur une haute tour de l'amphithéâtre pour faire une annonce de la plus haute importance.

Messager : BRAVES GENS ! LA REINE ORGANISE EN SON NOM UNE RÉCEPTION OUVERTE AU PALAIS ! Elle souhaite permettre au peuple d'oublier ses problèmes le temps d'un délicieux moment convivial !

Et il répéta l'information en boucle pendant une minute.

Cléo : ...c'est une bonne idée. Je pense que nous avons tous besoin de laisser nos peurs de côtés par moment...

De son côté, Kaléidoscope avait là une toute autre idée :

Kaléidoscope : Et comme ça, je pourrai leur parler à eux deux, s'ils viennent !

Kafei : Je ne sais pas, je ne suis pas trop pour les fêtes, et puis on ne termine notre service qu'à 23h... Je crois que je vais y réfléchir.

A tout hasard, il attendit encore que la foule se dispersa pour éviter que lui et Cléo ne soient encore bousculés.

Kafei : Donc... vous avez voté "Vie" ? C'est intéressant. Même si au fond j'imaginais plus de gens voter pour "Mort", je me demande pourquoi vous avez préféré le laisser en vie ?

Honteuse, Cléo baissa la tête. Oui, c'était son vote. Si elle avait été reine, alors son peuple aurait couru un risque par sa faute.

Cléo : Je... J- c'est...

Elle marmonna ainsi pendant quelques secondes, puis parla à voix basse.

Cléo : Je ne sais pas... il n'avait pas l'air méchant... je me disais... qu'il... qu'il pouvait être innocent et si jamais on condamnait un innocent... je m'en serai voulu d'avoir participé à son exécution ? Je sais que c'est stupide... Je suis bien heureuse qu'elle ait tranché sans faire d'erreur !

Elle jeta un regard fuyant à la foule attroupée sus le porche, en train de parler du bal à venir.

Kafei : C'est vrai que de faire partir de la masse de gens qui ont voté l'exécution d'un possible innocent n'est pas une super chose à vivre...

Kafei regarda autour de lui que les gens ne l'écoutent pas.

Kafei : ... je dois avouer que j'ai eu du mal aussi à faire mon choix. Et moi aussi j'ai voté "Vie". Notre travail consiste à sauver des gens, alors à moins d'une preuve tangible, je préfèrerai laisser un coupable dehors, que de faire mourir un innocent... Heureusement, moi non plus je n'avais pas le dernier mot !

Cléo releva la tête, rassurée.

Cléo : Les temps actuels ne sont pas faciles. Et puis, on doit continuer à vovre, tout en prenant garde. Je pense qu'une tragédie pareille nous pousse à douter de tout le monde... Ou du moins, plus que d'habitude.

Cléo sourit.

Cléo : Je vais m'en aller, j'ai du travail. On se revoit plus tard, quand vous passerez à la boutique !

Les bras derrière le dos, elle avança de quelques pas avant de se retourner vers Kafei de nouveau.

Cléo : Dites... j'aimerais beaucoup aller au bal pour ma part. Je suis assez nerveuse, j'ai envie d'oublier tout ça. Mais je ne serai pas rassurée d'y aller seule. Vous m'accompagneriez ?

Kafei : Eh bien, je pourrais... je demanderais à mon supérieur s'il n'a pas besoin d'aide ce soir. Comme je n'ai rien manqué depuis que je suis ici, il devrait pouvoir me libérer si c'est un soir.

L'apprenti-médecin hésita un moment, l'air songeur. Il se rapprocha de Cléo d'un air pas rassuré et lui parla sur le ton de la confidentialité.

Kafei : Je dois avouer que malgré l'exécution de ce matin, je ne suis pas rassuré encore... Pouvons-nous nous retrouver un peu avant le coucher du soleil? Je viendrais vous chercher un peu après la fermeture de votre magasin si vous pouvez vous préparer à temps.

Cléo lui adressa un sourire radieux.

Cléo : Je laisserai la boutique allumée jusqu'à votre arrivée.

Elle s'inclina et retourna travailler, plus confiante. En milieu d'après-midi, elle recroisa le chemin de Kafei en apportant la commande du médecin à son office. Elle laissa une bouteille de lait supplémentaire. Puis, à son retour, elle rangea sa boutique de fond en comble. Elle grimpa l'escalier de bois, qui grinça sous ses pieds, et entra dans sa chambre.
Puis se posa alors la question... Que portait-on dans un bal orchestré par la reine en personne ?

Cléo : Tous les habitants sont conviés...

Elle fouilla les quelques robes qu'elle avait, ternes, usées, déchirées, parfois trop petites. Elle se sentit honteuse et pris la plus jolie et entreprit de la retoucher un peu.
Quand elle descendit dans la boutique, elle était habillée d'une modeste robe bleu brodée de fil d'or, laissant ressortir ses yeux. Elle pris un petit bout de tissus sale posé sur le côté du lavabo et lavé une petite coupure qu'elle s'était faite en cousant les plis de la robe. Le soleil s'était presque entièrement couché, elle entendit les cloches sonner le début de la fête.

Kafei finit par arriver peu de temps après que Cléo soit prête. Lui même porta des habits assez sommaires avec une veste et un pantalon bleu sombre et une chemise blanche. Même travaillant pour un médecin, un apprenti ne gagnait pas beaucoup par lui même.

Kafei : Bonsoir ! Merci encore pour le lait cet après midi. Mais je crois que vous nous avez donné une bouteille en trop, demain on vous donnera la différence !

Cléo se retourna et cogna une jarre de lait qui tomba et roula à terre, répandant le liquide blanc sur le sol.

Cléo : Zut !

Elle attrapa plusieurs torchons et épongea sa bêtise.

Cléo : C'était un cadeau. La bouteille. Elle sera gratuite.

Une jeune femme noblement habillée frappa alors.

Cléo : Miss Talis...

Elle se releva et alla ouvrir.

Cléo : Excusez-moi, je suis fermée...
Talis : Laissez-moi entrer !

Elle poussa violemment la porte et entra délibérément.

Talis : C'est allumé, alors j'ai le droit d'entrer.

Sans porter attention à la laitière, elle se dirigea vers les étals et choisit ses produits avec soin, puis attendit que Cléo arrive au comptoir.

Talis : Bon, ça vient ? Il y a une fête là, dépêchez...
Cléo : Excusez-moi...

Elle releva la jarre précédemment tombée et se plaça derrière la caisse.

Cléo : ...ce n'est pas assez... Tout ce que vous avez pris ça-
Talis : C'est tout ce que vaut votre pauvre marchandise petite.

Miss Talis s'en alla et retrouva son compagnon dans la rue. Elle lança un regard hautain à Cléo qui baissa les yeux.

Cléo : Cette fille est odieuse avec les gens comme nous... Excusez son attitude. Je peux fermer la boutique ?

Kafei fut tellement choqué qu'il ne pouvait parler pendant que la scène se déroula sous ses yeux. lorsque Cléo put lui parler de nouveau...

Kafei : Fermer ? D'accord, mais il ne faut pas se laisser faire de cette manière, ce n'est pas juste ! Nous irons à la fête, mais nous lui réclamerons la différence ! Vous vendez un produit à un prix, ce n'est pas à elle de le choisir ! ... tenez, nous allons même régler cette affaire tout de suite !

Il lui prit la main, et bien qu'il la serra fermement il ne lui fit pas mal. Son effacement habituel a laissé place à une fermeté qu'on ne lui connait pas.

Cléo : A-attendez, je ferme !

Gênée, elle lâcha la main de Kafei, sortit une petite clef de sa poche et ferma la porte. Talis riait aux éclats en marchant dans la rue avec son cavalier.

Cléo : Kafei, cette fille est une aristocrate, ne mettez pas le cabinet du médecin en danger... elle pourrait faire en sorte que sa réputation devienne mauvaise. Son père connait beaucoup de monde... C'est lui qui habite la grande maison près du théâtre.

Elle regardait la belle jeune fille s'éloigner.

Cléo : Si nous n'avions pas le problème des Loups, j'aurai porté plainte, mais je n'ai aucune preuve, votre témoignage mis à part.

Kafei : Et alors ? C'est assez ! Mon supérieur ne se laisserait pas faire qui que ce soit en face de lui ! On a pas à subir de pressions pareilles parce que tel ou tel est né avec une cuillère d'argent dans la bouche, c'est... c'est...

Il regarda un peu Cléo, toujours fâché par l'injustice qu'elle a vécu quelques minutes plus tôt, mais se calma rapidement.

Kafei : Oh, je... je suis désolé. On part pour une fête pour se changer les idées de ce qu'il se passe, et je vous donne encore plus de mouron... J'en parlerai plus tard à mon supérieur pour savoir quoi faire.

Cléo sourit. Encore, calme, presque désolée.

Cléo : C'est gentil à vous de vous inquiéter. Bon, ne nous mettons pas en retard.

Elle le prit timidement par le bras.

Cléo : Racontez-moi comment c'est, d'être médecin ! Vous êtes une sorte de héros ? Non ? Vous savez beaucoup de gens ? Vous avez déjà vu des blessures de Loups ?

Cléo était curieuse. C'était dans sa nature. Et les Loups l'intéressait. Elle se demandait comment ils étaient, comment ils se transformaient, mais surtout, comment ils tuaient. Elle en avait très peur, et elle aurait aimé que la réponse de Kafei la rassure. Qu'il lui dise que c'était une mort rapide, sans douleur, bien qu'elle sache parfaitement que c'était à l'opposé de la réalité. Elle les détestait. Toute sa ville était sens dessus dessous à cause d'eux...

De son côté, accoudée au balcon d'une chambre au troisième étage d'un hôtel, Roxanne observait Kafei et Cléo. "Tient, intéressant... ces deux-ci fonctionnent en couple ?". Son sourire mauvais dévoila une rangée de dents blanches. "Ca sera encore meilleur. L'Ange tué par une Reine-Louve ! Cette idiote va tuer ce crétin cette nuit ! Il va la raccompagner, et elle va le tuer ! Demain, elle sera jugée sur le bûcher, et s'en sera finit ! La sphère de pouvoir sera mienne, ses pouvoirs me seront dévoués totalement, sans résistance !".

Kaléidoscope guettait les invités. Elle saluait brièvement les arrivants, mais elle espérait voir venir Kafei. Si Cléo se pointait également, alors elle serait comblée. Mais comment pourrait-elle les convaincre que cette vie n'était pas normale ?!