Mission n°13 : Malédiction

Aussitôt, Cléo changea de direction et arriva dans les ruelles pavées de la capitale. Elle s'arrêta un instant et écouta attentivement. Ils n'étaient pas loin. Elle décida de prendre le chemin le plus long pour les semer afin qu'ils ne puissent pas faire le lien. Elle ne pouvait pas lutter. Il était donc important que ces loups ne fassent pas de relations entre elle en louve et sa version humaine. Quant à Kafei, ils savaient avant qu'il ne faisait pas partie des leurs. Il ne risquait rien lors des votes. Car s'ils la dénonçaient, et qu'il s'avérait qu'elle se transformait en loup à sa mort, alors eux seraient considérés comme humains par la population, qui penseraient qu'ils ne sacrifieraient pas l'un des leurs.
Quand elle repensait à sa situation actuelle, elle se demandait si elle s'était déjà transformée avant. Sans s'en souvenir. Avait-elle déjà tué ? Peu importait. Elle passa la rue principale et tourna à l'angle de la boulangerie. Elle ne courait presque plus. Trop difficile. Elle s'arrêta et traîna les pattes. Ils étaient à 2 minutes de la boutique du médecin. Les grognements résonnaient et se répercutaient contre les murs.

Kafei n'osait pas descendre du dos de Cléo tant qu'elle courrait parce que il avait quand même peur de sa réaction s'il faisait quelque chose d'autre... et aussi, plus pratiquement, parce qu'elle était plus rapide.

Malheureusement pour eux, elle ne put continuer jusque chez le médecin, alorsd que le danger approchait encore autour d'eux. Kafei sauta du dos de Cléo.

Kafei : Pas maintenant, on y est presque...

Il la souleva comme il put et avança dans la rue principale en se pressant.

Sentant Kafei l'aider, Cléo avançait tant bien que mal. Puis, elle remarqua que les hurlement avaient cessés. Profitant de cet avantage, elle regagna un peu d'énergie qui lui permit d'atteindre avec l'apprenti médecin le cabinet médical. Mais elle savait ce qu'il se passait : ils avaient trouvé une proie plus facile, moins bien gardée. Sérieuse, elle se tapit sur le sol, devant la porte, attendant que Kafei l'invite à entrer. Dans tous les cas, les prochaines nuits, elle risquait gros. Et lui aussi. Mais des deux, elle était celle qui semblait avoir le plus d'atouts au niveau du combat, maintenant qu'elle était armée de crocs et de griffes robustes ! Aussi, elle espérait que son apparence ne lui vaudrait pas un jugement trop sévère et que le garçon comprendrait qu'elle ne lui voulait aucun mal. Bien qu'elle se sentait monstrueuse ainsi...

Kafei referma la porte à clé derrière elle et reprit sa respiration pendant un moment avant de se tourner vers Cléo, toujours avec appréhension.

Kafei : B-bon, vous m'avez sauvé la vie... et vous ne m'avez pas attaqué quand vous auriez pu, donc je peux vous faire confiance je crois.

Le garçon s'approcha d'elle pour observer ses blessures.

Kafei : Les griffures sont profondes, mais les organes vitaux ont été épargnés... ça mettra du temps à cicatriser... et ça risque de piquer donc il ne faut pas sursauter.

Il prit des bandages et de l'antiseptique avant d'inspirer profondément et de commencer à la soigner.

Cléo essayait tant bien que mal de restée couchée, de résister à la tentation d'hurler à la mort - elle était douillette la demoiselle - ou encore de le repousser. Son instinct sauvage ne prenait pas le dessus, mais ses réflexes étaient ceux d'un loup, et elle avait peur de donner un coup de dents à celui qui la soignait à présent. Mais à un moment, ou l'effet piquant du désinfectant était vraiment insupportable, elle grogna longuement, puis fit claquer ses crocs d'un air menaçant... avant de baisser les oreilles et d'aller se cacher sous la table la plus proche. Elle se sentait si monstrueuse, si dangereuse... elle ne voulait pas le blesser...

Kafei sursauta à son tour quand elle grogna et décida de s'arrêter là.

Kafei : D-d'accord ! Les plus graves sont soignées, donc ça ira pour le moment !

Le silence tomba un moment. Il alla chercher un bol et versa un peu d'eau dedans avant de le poser près de Cléo.

Kafei : Bon, ce n'est pas comme ça qu'on offre à boire à une dame mais vu les circonstances... si vous redevenez humaine, je vous offre une bouteille de votre lait, ça ira ?

Les yeux humide du loup se baissèrent en guise d’acquiescement mais Cléo n'avait pas soif. Ni faim. Elle repensait à sa journée. Elle se demandait si la nuit précédente, elle s'étais aussi transformée. Mais la nuit dernière ne lui revenait pas en tête. C'était comme si elle n'avais pas souvenir de la journée passée... ni des précédentes, quand elle y réfléchissait bien. Peut-être était-ce du à sa transformation ? C'est ce qu'elle pensa.
Après une heure passée sous le meuble, elle prit un peu d'eau, et se glissa hors de sa cachette. Elle inspecta la maison, se dressant parfois sur ses pattes arrières, par exemple pour regarder sur les buffets et commodes, ou par la fenêtre. Elle se sentait plus humaine, sur ses deux pattes...

Kafei était monté à l'étage et avait préparé un lit de fortune avec des couvertures, puis il redescendit chez Cléo.

Kafei : Nous avons eu une longue nuit, mieux vaudrait se coucher. Avec de la chance, vous deviendrez... normale ? Demain matin. Comme les Loups n'apparaissent que la nuit...

Même si lui aura du mal à dormir, il avait encore de l'adrénaline dans son corps.

Cléo s'était allongée par terre et refusa pendant la nuit de monter à l'étage, de peur de perdre son contrôle et de devenir un danger pour lui. Elle s'endormit assez vite, et ce fut une nuit sans rêve ni cauchemar.
Le lendemain, elle se réveilla : la lumière du jour commençait à percer les nuages. Par la fenêtre, elle remarqua que le temps serait mauvais. Mais elle vit aussi son reflet, celui d'une jeune fille un peu ahurie.

Cléo : Je suis de nouveau...moi...

Ravie, elle monta les escalier en courant et réveilla Kafei.

Cléo : Réveillez-vous ! Je suis...

Et elle imagina le procès du matin...

Cléo : ...en danger...

Kafei se réveilla, mais resta dans les vapes un moment avant de réaliser que Cléo est redevenue humaine.

Kafei : ... oh c'est vous ! J'avais bien prédit donc...

Lorsqu'elle parla du procès, il ne voyait pas de quoi elle parlait un moment. Avant de réaliser et de pâlir.

Kafei : O-oh ça... Mais ça devrait aller, personne ne vous a vu vous transformer !

Cléo : Mais... mais... je suis... comme eux ! Je devrais me dénoncer, non ? Peut-être qu'ils seront cléments en voyant ma bonne foi ?

Elle était paniquée à l'idée de devenir une sorte d'ennemi public numéro un.

Cléo : Et si je le cache, et qu'il le découvre, vous serez mon complice et ils vous en voudront aussi ! C'est trop compliqué, ça me fait trop peur... ou alors, je pourrai m'enfuir ! ...mais les Loups ont sans doute noté votre implication, je n'ai pas envie de vous laisser sans défense...

Elle se mit à pleurer et s'assit sans demander sur le lit du garçon.

Cléo : Pourquoi fallait-il que je fasse partie de ces monstres...

Kafei : ... se rendre c'est avouer être coupable de quelque chose. Vous n'avez rien à vous reprocher non? Vous vous êtes transformée, mais contrairement aux autres, vous ne m'avez pas attaqué. Vous m'en avez même protégé !

Il vint s'asseoir à côté d'elle en soupirant.

Kafei : Dire aux autres je ne sais pas... cela va déclencher la panique quand même. Ou bien... vous venez ici la nuit tombée ou je vous rejoint à la laiterie le temps de trouver comment chasser cette... malédiction ?

Cléo : Vous resteriez avec moi ? Mais... et si je vous attaque ? Et si je deviens dangereuse ? Et si je tente de m'enfuir ?! Et si je tue quelqu'un, et si... et si je vous...

Cléo croisa le regard de Kafei et détourna la tête aussitôt. Le sort de Kaléidoscope était plus fort de jour en joue, ce qu'elle prenait pour des sentiments naissants...

A l'extérieur, Roxanne se rendait au procès, certaine d'y trouver Cléo sur le banc des accusés...

Kafei réfléchit un moment avant de montrer un visage décidé.

Kafei : Vous êtes forte, vous l'avez déjà montré. Je doute que vous m'attaquiez moi ou un autre innocent. Je serais fort à mon tour et je trouverai comment vous soignez définitivement pour que vous puissiez retrouver une vie normale.

Kafei se leva et lui tend la main.

Kafei : Vous pouvez compter sur moi !

Touchée, Cléo esquissa un sourire, se leva, et au lieu de prendre la main de Kafei, en guise d'accord, elle lui sauta au cou.

Cléo : J'ai toujours pensé que vous étiez quelqu'un de bien, mais vous me surprenez en me montrant que vous êtes exceptionnel...

Elle s'écarta, un peu gênée.

Cléo : En tout cas, merci... Le fait de se voir la nuit, ça risque de faire parler les bavards de la ville. Quoi qu'il en soit, nous devrions partir pour le procès de ce matin, afin de ne pas attirer les soupçons sur nous... Qu'en dites-vous ?

L'humeur de Kafei changea lorsqu'il entendit parler du procès, il avait une mine plus sombre... Oui ils devaient y assister car encore une fois les Loups ont attaqué...

Kafei : C'est vrai, le procès... Ce n'est jamais une bonne nouvelle qu'il y ai des morts suite aux attaques, mais à chaque fois assister aux exécutions pour ce qui est de possibles innocents... je ne m'y ferais jamais.

Le plus difficile étant lorsqu'il connait les victimes, ou s'imaginer qu'une personne qu'il connait depuis des années ai pu être un Loup.

Kafei : ...

Des années, vraiment ?

Kafei : *Qui est-ce que je connais depuis aussi longtemps d'ailleurs... ?*

Cléo : Bon, mettons nous en route.

Alors que Kafei était perdu dans ses pensées, elle lui prit la main. L'avait-il noté ? Ou pas ? Elle guetta une réaction. Rien. Mais elle continua à trotter dans les rues en le guidant et arriva devant l'amphithéâtre, lieu de rassemblement.

Cléo : C'est quand même étrange. Il fait beau. Il fait bon. On pourrait presque s'imaginer profiter de la journée... pour autre chose que ça. ...si on n'avait pas tous ces ennuis... vous et moi, on... on aurait peut-être pu aller se promener...

Elle rougit et l'interrogea du regard. Elle espérait qu'il comprenait qu'elle lui proposait là d'utiliser le reste de la journée pour être plus libres.

Kafei : Se promener, oui...

Il était toujours perdu dans ses pensées, avant de remarquer que sa main tenait quelque chose. Celle de Cléo. Quelque part, cela le soulagea, il s emit même à lui sourire et à serrer la main un peu plus.

Kafei : J'espère que nous pourrons un jour laisser tout ces ennuis derrière nous pour vivre en paix !

Mais le bruit de la foule autour d'eux lui rappela que ce jour ne serait pas encore aujourd'hui, et il soupira...

Cléo : Ca va bien se passer.

Elle entra avec lui dans le stade et pris une place dans les gradins, assez reculée de l'arène, pour ne pas tout voir. Six hommes et deux femmes étaient encerclés par des soldats de la gardes royales, au centre même du terrain. Ils étaient enchaînés, paniqués. Elle les connaissait de vue. Mais elle était incapable de dire si parmi eux, il y avait un loup ou non.

Cléo : Je ne me sens pas très bien, Kafei...

Elle ne s'en était pas rendu compte, mais elle avait croisé le regard de Roxanne. Roxanne qui ne comprenait pas comment elle avait pu s'en sortir. Son regard se posa sur la main de Cléo, posée sur celle de Kafei, puis sur Kaléidoscope, qui, hésitante, regardait les prisonniers accusés de meurtre. Et elle comprit. Si elle voulait que le secret de Cléo se sache, elle devrait le faire savoir d'elle-même... La nuit prochaine serait la dernière de Cléo...
Les soldats demandèrent à chaque présumé coupable de plaider sa défense, puis Kaléidoscope annonça l'ouverture des votes. Une nouvelle fois, Cléo eu du mal à voter. De plus, elle avait l'impression qu'elle aurait très bien pu être dans cette arène, face à tout le monde et que son nom aurait pu ressortir du vote final.

Kafei eut aussi du mal à voter, aussi décida-t-il de s'abstenir.

Kafei : C'est difficile de dire si telle ou telle personne était seule vu que tout le monde était invité par la reine, mais ça n'en reste pas une situation valable, même si c'est aussi une excuse pratique comme il n'y a pas de témoins...

Le doute était un mal qui toucha toute la population de la ville. Qui sait si le voisin dans l'amphithéâtre ne serait pas le prochain Loup, ou même l'était déjà à la place de possibles innocents qui prenaient place chez les accusés ?

Kafei : ... non, je n'arriverai jamais à condamner à mort des gens tant que j'ai un doute dans mon esprit...

Alors que les votes allaient se clore, une des femmes accusées hurla et leva le doigts vers les tribunes.

Femme : Elle ! C'est une louve ! Je l'ai vue se transformer ! Elle était avec ce garçon ! Mais je pensais avoir trop bu à la fête ! Tient, preuve que j'y étais, à la fête !

Les regards se tournèrent, cherchant la personne que désignait la femme.

Soldat : De qui parlez-vous ?
Femme : La jeune fille ! Aux cheveux auburn ! Près du garçon... il... c'est un soigneur je crois !

Le coeur de Cléo, qui s'était figé, fit un bond alors que le stade se tournait vers elle au fur et à mesure qu'on la trouvait dans la foule.

Soldat : Amenez-la-moi.

Un quatuor de soldats, proches de l'entrée par laquelle Kafei et Cléo étaient passés, se précipitèrent vers eux et saisirent Cléo.

Cléo : Non ! Laissez-moi, je n'ai rien fait ! Kafei !

Sa main lâcha celle du garçon alors qu'on la traînait vers l'arène de combat.

Cléo : Arrêtez, lâchez moi ! Non ! NOOOOOOOON ! Kafei !

En pleurs, elle savait qu'elle était une louve. Et elle n'était pas certaine de pouvoir le cacher.
Séduite par ce retournement de situation, Roxanne croisa les jambes, amusée.

Kafei : Non ! STOP ! Arrêtez !

Kafei tenta de se frayer un chemin à travers la foule pour rejoindre Cléo mais avait du mal avec l'agitation.

Citoyen 1 : Vous avez entendu ? Encore des Loups dans l'assistance ?
Citoyenne : Ça ne me plait pas...
Citoyen 2 : En même temps, j'aurai dû m'en douter, cette laitière est souvent seule, personne pour la surveiller... elle aurait pu. Elle a sûrement déjà commit des meurtres !

La mâchoire de Kafei se serra et les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'il s'approchait de l'arène.

Kafei : Je veux témoigner !
??? : Pourtant, pour moi ça me semble assez clair...

Un jeune homme blond en tenue de capitaine de garde au milieu de l'arène croisa les bras d'un air confiant.

Miko : Pourquoi mentirait-elle alors qu'elle est promise à l'exécution d'ici quelques minutes ?

Kaléidoscope : Attendez !

La foule se tut. On n'entendait que légèrement les sanglots paniqués de Cléo qui tremblait alors que les soldats la poussaient dans le sable du terrain de combat.

Kaléidoscope : Nous avons laissé les autres se défendre. Cette demoiselle devrait elle aussi avoir le droit de le faire.
Cléo : ...

Elle sentit un énorme élan de compassion envers la reine, mais aussi une détresse totale : elle était une louve. Si elle mentait, le verraient-ils ?

Kaléidoscope : ...ou alors, laissons son témoin parler. Mettez-vous d'accord tous les deux. Cléo Fae, voulez-vous vous défendre, ou laissez-vous la parole à Kafei Celesta ?

Cléo leva les yeux vers Kafei. C'était un regard suppliant, inquiet, qui disait tant de choses : "Je ne veux pas mourir", "Je ne veux pas que tu aies des ennuis à cause de moi", "Ne m'abandonne pas", mais surtout : "Si tu préfères que je le fasse, dis-le...".

Cléo : ...
Kaléidoscope : Dépêchez-vous.

Roxanne : Ca devient très intéressant...

Mais la présence de Miko l'intriguait : personne ne pouvait arriver dans le scénario après son sort, normalement... Tout était figé : le rôle de chacun, la perte de mémoire. Aussi se demandait-elle ce qu'il faisait là et si sa mémoire était active...

Kafei : Je la défendrais !
Miko : Très bien... Voyons ce que vous avez à nous dire alors. Qu'est-ce qui vous fait penser qu'elle n'est PAS une Louve ?

Le garçon réfléchit à toute vitesse. Il ne devait pas hésiter pour montrer qu'il était en train de monter plus ou moins une histoire, mais aussi trouver quelque chose de cohérent pour les possibles autres témoins.

Kafei : Je l'ai moi même accompagnée toute la soirée. Et après une danse au palais, elle commençait à se sentir mal, alors je l'ai accompagnée dehors. Comme cela ne s'arrangeait pas, je l'ai ramenée au cabinet médical si elle avait encore besoin d'assistance.

Femme : ...je l'ai vu se transformer ! Enfin je crois ! Ils étaient plusieurs ! Et ce garçon était aussi là, et ils ont essayé de le...

Cléo savait qu'il y avait ce problème. Kafei était dehors. Avec elle. Et bien qu'ils y aient des loups, ils les avaient attaqués. Mais le fait qu'elle ait sauvé Kafei n'empêchait pas qu'elle était une louve...

Kaléidoscope : De quoi ? Continuez...
Femme : Je crois qu'ils voulaient le tuer. Je suis allée prévenir mon mari. On est revenu voir à la fenêtre de votre palais, mais il n'y avait plus rien dehors. Alors il m'a dit que j'avais sans doute trop bu...