Mission n°12 : Mi Ange, mi Démon ?

Miko s'approcha pour se mettre à sa hauteur et lui prendre une main entre ses deux siennes.

Miko : Mais ça peut s'arranger... vous n'êtes pas facile à joindre quand même ! J'arrive même à communiquer avec Sa Majesté Cléo pourtant c'est dire ! Donc oui, le hasard m'a mit en travers de votre route ce soir, mais avouez que ça a été pour le mieux ?

Il tourna ses yeux vers l'endroit où le corps de l'Ange défunt se trouvais, alors qu'il n'en reste plus rien maintenant.

Miko : Je vous propose un dîner ? Épicé ça vous va ?

Mona écarquilla les yeux. Ils avaient pris une teinte verte pâle. Celle qu'elle adoptait instinctivement, sans pouvoir le contrôler, quand elle était émue. Elle croisa le regard du garçon : il était sérieux ?!
La gifle partit toute seule et ses yeux reprirent leur couleur chocolat habituelle.

Mona : Je viens de tuer un être sacré ! TUER ! Vous pensez que je n'éprouve rien quand je le fais ?! Que je suis une machine de guerre ? Vous pensez que cette existence m'amuse ? Vous pensez que là, je n'ai aucun remord ?! Et vous, tout ce que vous pensez c'est "tient, j'ai faim, j'irai bien manger un morceau" ?! Mais pour qui vous vous prenez ! Parce que vous êtes un Meoko, la vie de cette fille valait-elle moins que la vôtre ? C'était une pauvre idiote aveuglée par le Parlement des Anges, pas des idéaux, par des idées qu'on nous met en tête dès la naissance sur la beauté de la tâche angélique, sur notre fameux rôle salvateur ! Elle n'était pas mauvaise, et elle a payé pour eux ! Et ça ne vous fait rien ? Quel humain pouvez-vous être pour prendre une vie à la légère ?!

Les larmes perlaient sur les joues, à présent rouges de la demoiselle. Elle tremblait de rage. Parce qu'elle ne pouvait s'en empêcher, de penser comme les anges pensent...

Miko se massa la joue. Ce n'était pas la première fois qu'il recevait une gifle, même s'il n'en était pas un habitué non plus.

Miko : Je vais être bref et clair : non ça ne me fait rien. C'est la vie. Ou ici plutôt sa fin... Que je sache, elle n'allait pas avoir de remords à nous tuer tout les deux. Je ne vois pas en quoi j'en aurai pour elle. Et même si c'était le cas, je crois qu'une fois morts, on aurait peu à se soucier de son avis. Moi ce qui m'importe, c'est de pouvoir ouvrir mes yeux une fois que je les ai fermé. Donc au risque de me répéter : non, sa mort ne me fait rien.

De sa poche, il sortit une carte/ Sur le dessus, on aurait dit une carte à jouer. Mais à la place des figures habituelles des jeux se trouve une adresse.

Miko : Pour quand vous vous serez remise de vos émotions. mon adresse non officielle. Mais bon, si ce soir c'est trop tôt, je n'y passerai pas~

Mona : Je n'arrive pas à croire que c'est à ça qu'ils m'ont liée... Dieu merci, c'est une question de puissance...

Elle déchira la carte.

Mona : Si vous voulez manger, c'est hors Suhaj. Suhaj n'est pas sûre. Et si un jour je veux vous retrouver, pas besoin de carton : vous ne pensez pas que si quelqu'un nous écoute, il cherchera à avoir cette adresse histoire de vous rendre visite pour vous tuer. Nous venons de tuer un Ange.

Tient. "nous" ?

Mona : J'utiliserai l'anneau.

Elle écarta le col de sa cape de voyage : son anneau avait repris sa forme de chaîne de métal grossier. Elle y avait fait passer un anneau étrange, fin, noir, serti d'un simple rubis.

Miko : *Liée ?*

Ne comprenant pas trop le sens de ce mot, il laissa ces pensées de côté et se reprit vers ce qui lui semblait plus intéressant. Mais tout aussi mystérieux.

Miko : Bien, je suis tout à fait d'accord pour trouver un moyen aussi discret pour se communiquer. Mais... comment ce bijou va nous aider ? Oh, il est joli même s'il est simple, et il doit être magique je suppose... Mais comment ça marche ? A la rigueur je pense que vous pouvez me contacter, par télépathie je suppose, mais moi ?

Mona : ...alors, ils ne vous en ont jamais parlé... C'est bien ce que je pensais.

Un sourire amusé passa sur son joli visage, puis elle haussa les épaules.

Mona : Je ne suis pas sûre que vous appréciez ce genre de surprises... Vous seriez trop fragile, trop bouleversé, si je vous l'apprends de but en blanc...

La situation plaisait beaucoup à Mona, qui reprenait l'avantage au niveau des informations et se jouait de lui avec plaisir et délectation.

Miko reprit un sourire à son tour et décida de profiter de la situation.

Miko : Ça dépend de quelles surprises on parle, en tant que diplomate je suis obligé d'encaisser des bonnes et mauvaises surprises sans laisser transparaître mes émotions pour ne pas donner d'informations à mon interlocuteur. Et côté surprises...

Il s'approcha de Mona en gardant un sourire séducteur et en la fixant droit dans les yeux.

Miko : ... j'en ai eu beaucoup ce soir. Et la meilleure reste votre très joli sourire.

Dans l'esprit de Mona, beaucoup de choses se passèrent en quelques millièmes de secondes :
1) Mon dieu, ce garçon, bien que simple humain, était quand même drôlement mignon.
2) Devait-elle le remercier ? Il venait de lui faire un compliment ? Ca ressemblait à ça, un compliment ? Ou le faisait-il pour les mêmes raisons que les autres... ...oui, sans doutes pour ces mêmes raisons. Puis, elle n'était pas si jolie. Elle connaissait bien d'autres jeune filles dont la beauté lui semblait plus évidente que la sienne...
3) Allait-elle adoucir l'annonce ?

Mona : Nous sommes mariés.

...non. Elle avait répondu du tac au tac... En conservant tout de même ce sourire qui apparemment lui plaisait...

Sur le moment, Miko ne pensa pas que Mona était sérieuse. Le fait qu'elle dise la vérité de but en blanc sans se départir de son sourire le conforta dans ses convictions dans un premier temps alors qu'il éclata de rire.

Miko : Oh ça c'est excellent ! On ne me l'a encore jamais faite ! Des déclarations peut être mais là !

Et alors que son rire se calma, la réalisation le frappa derrière la tête d'un coup sec, toujours sans se départir de son sourire mais en perdant quelques couleurs.

Miko : Ah... c'est... ça l'anneau alors...

Mona avait envie de rire aux éclats, et la petite étincelle apparue dans son regard en disait long sur le plaisir qu'elle prenait à voir ce pauvre coureur de jupons se faire à cette idée.

Mona : Je suis navrée de vous dire que c'est la stricte vérité. Mais il est aussi vrai que si je peux vous trouver avec l'anneau, vous ne pouvez pas savoir où je suis. ...Ce qui au fond m'arrange ! Oh, et ne vous en faites pas mon cher. Les pauvre petits terriens dans votre genre ne m’attirent guère. Encore moins ceux qui n'ont pas le moindre respect pour les demoiselles. Une déclaration, jamais vous n'en entendrez de ma bouche...

Son sourire s'effaça un peu.

Mona : Je suis quand même désolée. Je pensais que pour ce genre de choses, on vous préviendrait.

Le playboy se reprit assez vite cependant. Mais en gardant sa bonne humeur.

Miko : Comment ? Ah oui ! Oui j'aurai préféré être au courant que je suis marié depuis... depuis quand au fait ? Bon, ça ne fait pas trop de différence maintenant pas vrai ?

Il inspira profondément et tapa dans ses mains une fois.

Miko : Maintenant que nous sommes mari et femme je suppose que je peux... te tutoyer ? Madame Hache Elfyn, c'est bien ça ?

Mona : J'avais peur que vous ne supposiez autre chose en apprenant la filiation...

Elle sourit quand même et tendit la main dans le but qu'il la serre.

Mona : Mona Hache Elfyn. Seulement Hache pour Miss Fae et les généraux, mais Mona en premier prénom. Nous sommes mariés depuis un peu moins d'un an. Ça doit faire une dizaine de mois. J'ose espérer que vous êtes généreux et que j'aurai le droit à un cadeau, j'ai vu une lame fine d'une grande beauté dans un des magasins de la cours et Cléo Fae m'autorise à faire appel à ses meilleurs forgerons. Mais ils demandent un bon prix. ...je sais, une arme n'est pas un cadeau digne d'une dame...

Miko lui prit la main mais au lieu de la lui serrer, il l'embrassa.

Miko : Moi tu connais déjà mon nom... Je vais donc t'appeler Mona, j'aime bien ça ! Mona et Miko...

Il lui relâcha sa main avant de croiser les bras dans son dos.

Miko : Je peux vraisemblablement trouver ça, à un prix encore moindre s'il s'agit de personnes que je connais. Ma famille est très influente ici. Si une lame peut sceller notre mariage... pourquoi pas ? Doit-on également révéler à la reine que nous sommes mariés ? Ou gardons-nous cela pour nous ?

Mona : Non ! Non, surtout pas ! Que penserait-elle de son vol organisé ? De votre intervention ? Du fait que je sois aussi présente mais qu'on ne l'ait pas prévenue ? Non, elle douterait et elle remettrait en question les généraux. Non, elle doit leur rester soumise. Pour leur bien, le sien et le mien. ...Voire le nôtre car ils semblent qu'ils s'intéressent beaucoup à ses pouvoirs...

Elle examina un instant sa main, puis la passa dans ses cheveux.

Mona : Non, c'est sans doute mieux de le garder. Les atouts comme ça, mieux vaut les laisser secret. On ne sait jamais ce qu'il peut se passer.

Mona trembla un peu. La température, si chaude en journée, retombait très vite la nuit venue.

Mona : Vous... vous parliez de manger ? Vous avez un pied à terre ici ? Nous pourrions échanger sur les informations que nous avons de cette guerre ?

Mona n'était pas stupide et ne donnerait des informations que s'il en donnait aussi. Pouvait-elle lui faire confiance, elle qui ne l'accordait à personne ?

Miko : J'ai une petite "cachette" qui est assez loin du centre-ville, mais très confortable. Et qui a de quoi manger si tu ne veux pas qu'on aille maintenant dans une autre ville comme tu l'as suggéré plus tôt.

Il commença à marcher vers la sortie du parc avant de s'arrêter et se retourner.

Miko : A moins que tu n'ai encore une dernière chose à faire... ?

Mona hésita. Elle se tourna vers le parc et regarda un instant l'endroit où le corps de Margatelle gisait un peu plus tôt. Elle releva la tête vers le ciel. Elle chassa une larme qui voulut s'imposer et avança, puis dépassa Miko en murmurant un "non, plus rien".
Elle serra sa cape, pour avoir plus chaud. Pour qu'on la voit moins. Elle n'aimait pas qu'on la fixe. Sans savoir pourquoi les gens se retournait sur son passage, elle détestait ces regards insistants qu'elle imaginait moqueurs. Excepté quand elle était gonflée d'orgueil, comme à la sortie de l'hôtel.

Mona : J'ai une suite dans un hôtel, qui est assez cher. J'ai beau jouer de nombreux rôles, je ne suis pas payé si bien que ça... Bientôt, je devrai changer d'adresse. Vous avez de la chance : je crois savoir que vos parents ont une petite fortune, non ?

Miko haussa les sourcils avec un sourire en coin sarcastique.

Miko : Tu veux déjà devenir une femme entretenue ? Bon je dois avouer j'ai de quoi faire avec mon argent c'est vrai, je peux t'aider de ce côté là...

Il resta un moment silencieux et la fixa, pas avec ses yeux habituels lorsqu'ils sont sur une fille mais plutôt intéressé par ce qu'elle pourrait lui dire.

Miko : Pourtant, aussi proche d'une reine, on imagine que tu aurais des avantages, pas forcément une tonne d'argent, mais des agents sous tes ordres, ce genre de trucs...

Mona : Je vous rappelle que je suis la voleuse de la dernière fois... Personne ne sait que je travaille pour elle. Personne ne doit le savoir. Et c'est ce qui permet de petits jeux. Je gagne d'autres choses... mais pas d'agent : ça trahirait notre lien spécial. Non, elle...

Mona resta interdite quelques instants. Puis elle détourna les yeux.

Mona : Quand quelqu'un la gêne, c'est moi qui le ou la supprime. C'est pour... ça me permettra de devenir un démon. Les généraux me l'ont promis. ...je ne sais pas, ça doit vouloir dire que peu de chose séparent les démons et les anges ? Et donc, si je fais de mauvaises actions, je me rapproche d'eux ?

Elle jouait nerveusement avec le crâne dans ses mains.

Mona : Donc, non. Je ne gagne en apparence rien de Cléo Fae. Même si j'aimerai des protections parfois...

Miko : Un peu comme un agent secret, un assassin... en fait, comme tu dois faire en sorte de ne pas la tremper dans ce genre d'affaires, tu n'as pas trop de liens directs avec elle . Mais comme tu sers bien, elle doit trouver des concessions pour ne pas qu'on te piste...

Miko avait son sourire qui s'élargit alors qu'il comprit.

Miko : J'aime bien ce genre d'intrigues je dois dire, dans un différent domaine mais même style, je fais pareil. Etant diplomate, je suis sur le devant de la scène assez souvent, mais quand un... individu gênant se mêle de quelque chose qui ne le regarde pas, je dois m'occuper de lui. A ceci près que je n'ai pas l'obligation de le tuer, un pot de vin suffit des fois~

Mona le jugea du regard, de façon assez méprisante.

Mona : Je préférerai que vous ne me compariez pas à vous... Nous n'avons pas la même... appréhension de la mort.

Elle jeta de nouveau un oeil en arrière : le parc était plus petit, moins distinct dans la nuit noire.

Mona : Je respecte le combattant, je respecte sa vie. Je le tue, mais généralement, je fais les prière et j'essaie de faire en sorte que l'âme reste en paix. Il n'y a pas pire qu'une âme torturée...

Et la mienne, pensa-t-elle, est la pire de toutes.
C'est alors que son ventre lui réclama à manger... Et Mona de l'ignorer en espérant que personne ne l'ait remarqué...

Malheureusement pour Mona, Miko étant juste à côté d'elle, il put parfaitement entendre ce qu'il s'était passé. Et de tenter cette fois une approche moins directe.

Miko : Bon, bon... je m'excuse de ne pas avoir respecté les morts. Et ça a dû te toucher de devoir tuer un autre Ange que tu connaissais en plus. Je ferais attention de leur rendre hommage aux prochains que j'ai besoin de m'occuper. Si cela peut nous aider à nous rapprocher...

Il leva la tête vers le ciel qui s'assombrit doucement.

Miko : Et un des rituels des humains est d'avoir un dîner après s'être occupé des morts, que ce soit en le momifiant, l'enterrant ou l'incinérant... j'invite !

Mona resta perplexe. Jamais elle n'avait entendu parler de telles pratiques. Elle resta perdue dans ses pensées un moment, se demandant si tout le monde avait ce genre de croyances. Peut-être était-ce typique d'un quartier ? D'une ville ? Elle n'avait pas encore trop voyagé.
Elle fixait le garçon d'un air à la fois méfiant et curieux.

Mona : Un... un dîner ?

Elle, quand elle mangeait le soir, c'était de l'ordre d'une petite soupe, parfois froide, dans l'hôtel au coin d'une ruelle peu fréquentée. Et mal fréquentée. Elle avait déjà aperçu les cuisiniers de Cléo Fae au travail et il lui arrivait de s'imaginer à sa place avant de s'endormir.

Miko hocha la tête, très sérieux.

Miko : Oui. Bon enfin... c'est quand ça se passe dans les règles avec toute la cérémonie avant, et qu'on invite les proches pour rendre hommage... Là on a été... expéditifs on va dire. Parce qu'on n'invite pas des gens qui font un voyages parfois de plusieurs jours pour qu'ils repartent tout de suite. Donc voilà ! Tu as un restaurant que tu as toujours voulu essayer~?

Mona hésita.

Mona : Je ne connais pas trop les restaurants. Je passe devant sans faire attention. Je n'ai pas de grandes connaissances culinaires. Je mange souvent rapidement. Je suis pas mal occupée.

Il était vrai qu'elle négligeait parfois quelques détails de bien-être, comme les repas, voire le sommeil, bien que ces temps-ci, elle dorme assez. Mais elle n'aimait pas perdre son temps à manger, et ne se sentait pas en sécurité quand elle était en train de se détendre.

Mona : Je ne suis pas du genre à prendre mon temps, à baisser ma garde... Il faut toujours que je sois en alerte, et se prélasser dans la chaleur d'un restaurant, c'est le cadre idéal pour se faire attaquer... Je me méfie de tout... et de tout le monde.

Ces derniers mots lui étaient adressés, pas même de façon déguisée.

Miko garda le sourire mais encaissa le coup en gardant le silence quelques instants.

Miko : ... c'est dommage parce qu'en fait ça serait l'occasion même d'apprendre à se connaître. L'occasion de discuter en tête à tête. Et si l'indiscrétion est un problème, je connais des restaurants où on peut se retrouver à part... Si tu doutes encore de ma sincérité, je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre !